Transport des veaux: comment Wageningen Research sert l’industrie
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Study on shifting from transport of unweaned dairy calves over long distance to local rearing and fattening. Wageningen Research, pour DG SANTE, mars 2022
De quoi s’agit-il ? Un haut-lieu de la science produit une étude qui ne répond pas à la question posée, mais qui se fond dans les intérêts d’une filière hautement contestable.
Le contexte est que la Commission européenne propose un nouveau règlement sur la protection des animaux pendant le transport, un domaine douloureux, bien documenté par les ONG et particulièrement bouleversant pour ce qui concerne les conditions de transport et l’immense détresse des petits veaux enlevés aux vaches laitières (vu que celles-ci sont destinées à être traites pour en retirer un maximum de lait). Environ 30 % des vaches laitières sont abattues chaque année et sont donc remplacées. Chaque année naîtraient environ 20 millions de veaux laitiers. Les mâles et de nombreuses femelles ne servent pas au remplacement et sont abandonnés aux lois du marché. 1,4 millions de ces petits veaux traversent des frontières dans l’UE, et 580 000 sont transportés durant plus de 8 heures. Les grands pays engraisseurs de veaux de boucherie sont les Pays-Bas, l’Espagne et la France. La France, avec l’Irlande, est aussi le pays dont est issu le plus grand nombre de veaux subissant des transports longs. Actuellement la limite d’âge permettant de les transporter est fixé à 15 jours. La Commission européenne propose de monter l’âge limite à 5 semaines.
La DG SANTE de la Commission européenne a eu l’excellente initiative de commander un rapport sur une transition du transport des veaux laitiers non sevrés sur de longues distances vers un élevage et un engraissement local. C’est en effet la bonne question à poser (et pas seulement pour les veaux ! ). Cela va dans le sens de la relocalisation des activités d’élevage et de plus de cohérence des systèmes. Cela ouvrirait la voie vers des filières paysannes, herbagères, et de haut niveau de bien-être animal. Cela éviterait la diffusion d’agents pathogènes et réduirait les besoins en antibiotiques, tout en étant favorable au système immunitaire des animaux.
L’étude d’une telle transition a été confiée à Wageningen Research, institution réputée, supposée orientée vers les solutions d’avenir. Le résultat est profondément décevant. Les auteurs ne répondent même pas à la question. Les solutions et expériences existantes, quant à un engraissement local, les intéressent à peine, elles sont évacuées en une phrase. Ce qui les intéresse sont la génétique animale et le « raffinement » des conditions de transport. De quoi rendre irrépressible l’idée que les auteurs de Wageningen Research sont proches de l’industrie néerlandaise de l’alimentation animale et de la production de veaux. En France, les intégrateurs néerlandais Denkavit et Van Drie sont connus pour leurs ateliers de veaux de boucherie, dans le mépris le plus total des besoins et du bien-être des veaux.
De quoi recommander à la DG SANTE d’être plus exigeant et plus critique envers les études qu’elle commande, et surtout de ne pas lâcher l’idée qu’il faut sortir des transports longs et relocaliser l’élevage pour que les animaux puissent naître, grandir, se reproduire, et mourir, au même endroit, idéalement dans la même ferme. Cette idée est juste, il faut la défendre. On aimerait que le défi éthique soit davantage entendu.
Citons Albert Schweitzer : « Je suis vie qui veut vivre, entouré de vie qui veut vivre.. »
Complétons : « Je suis vie qui veut aimer, entouré/e de vie qui veut aimer. » Cela compte beaucoup pour les vaches et les veaux.